En effet, à l’inverse du pétrole que l’on peut substituer, ou encore de l’azote que l’on peut fixer avec des luzernes par exemple, le phosphore est un élément qui ne se renouvelle pas. Il y en a un stock limité. Une seule solution s’offre : gérer la réserve et le recycler.
Au Moyen-Âge, les serfs avaient obligation de retourner tous les excréments au sol pour maintenir la fertilité. Avec l’arrivée des engrais « industriels », beaucoup de phosphore (lisiers, boues d’épuration, déchets alimentaires…) n’est plus recyclé et nous puisons dans les réserves du sol. En 2008, certaines réserves sont devenues difficilement exploitables pour des problèmes notamment de stabilité géopolitique comme au Moyen Orient.
« Les stocks de phosphore ne sont pas à un niveau critique. Actuellement, ils peuvent nourrir 30 % de la population contre 25 % pour l’azote. »
Les difficultés viennent de sa gestion environnementale et de son recyclage.
Les directives sur la qualité de l’eau de surface imposent une faible teneur en phosphore afin de limiter le risque d’eutrophisation. Or, le phosphore est un élément qui reste très longtemps dans le sol et dans l’eau. Il va donc s’accumuler d’années en années dans les zones où il est utilisé, dépassant souvent les limites pour la qualité de l’eau.
Deux actions sont possibles pour éviter l’augmentation du taux de phosphore dans les eaux de surface : réduire l’érosion et limiter les rejets. Aujourd’hui, la production agricole se concentre par zones géographiques. Pour éviter de dépasser ces limites, il convient de recycler le phosphore afin d’en éviter le rejet.
La France est en avance sur ce sujet. Depuis plus de 10 ans, une partie des excès de phosphore des lisiers de porcs est exportée sous forme d’un engrais organique normalisé. De nouvelles techniques pour le recyclage, sous forme d’un engrais minéral, sont à l’essai. De même, des initiatives pour le recyclage des boues de stations d’épurations sont mises en place. En effet, 50 % de ces boues de station d’épuration sont épandues sur les champs, après traitement, ce qui permet de recycler le phosphore sous condition d’un plan d’utilisation approprié. Il est désormais possible, dans une station d’épuration, de pouvoir précipiter le phosphore présent dans les effluents. Les boues ainsi recyclées peuvent être épandues et apporter l’azote sur les parcelles. Le précipité de phosphore est un engrais de qualité. Mais si le phosphore recyclé a la même valeur fertilisante que le phosphore industriel, il n’est pour le moment pas reconnu en France comme engrais, posant des problèmes de mise sur le marché.
Avec le développement des méthaniseurs, il est également possible de capter le phosphore présent dans les digestats par un système de granulation. Plus en amont, au niveau du troupeau, il est possible de réduire le rejet de phosphore en limitant sa présence dans les lisiers. En effet, le phosphore contenu dans la plante et les grains donnés aux animaux se trouve sous une forme organique, appelée phytate. Ce composé est dégradé par une enzyme, la phytase, que seuls les ruminants synthétisent. Le phosphore est alors mieux assimilé par le système digestif et est moins éliminé. Il est désormais possible d’intégrer de la phytase dans l’alimentation des non-ruminants, afin de réduire la concentration de phosphore dans les lisiers. Des solutions pour limiter les rejets de phosphore dans les eaux de surfaces apparaissent très régulièrement, afin de faire cohabiter durablement environnement et utilisation de cet élément si précieux au développement de nos cultures et à la production agricole.